Face aux fusions de régions l'ensemble des CESER s'est mis à organiser des colloques et bien sûr le nôtre, de concert avec celui du Nord - Pas de Calais, n'a pas pu s'empêcher d'en faire autant. L'évènement a eu lieu ce mercredi à l'auditoriun du Nouveau Siècle (ça ne s'invente pas !) à Lille, devant quelques six cents "décideurs". Le terme est justifié : ils décident à notre place.
Que faut-il en retenir? D'abord les données du sondage réalisé pour La Voix du Nord et Le Courrier Picard -qui furent projetés dans la salle- et qui montrent que les picards sont de plus en plus sceptiques (53 %) face à la fusion, et celà malgré "l'opération Amiens-capitale", qui ne fut qu'une posture de "fusionneurs" cherchant à se dédouaner. Les picards ont compris qu'on les avait menés en bateau, que les économies seraient en réalité des coûts ( 67 % des picards craignent une ardoise très élevée et il y en a presque autant -64%- chez les nordistes) et que le choix de Lille ne faisait aucun doute. Ni les picards ni les nordistes ne croient à l'amélioration de la qualité de vie dans la grande région : la fusion n'est pas faite pour les gens, et c'est là que l'on rejoint un autre sondage -pas projeté celui-là- à propos des élections régionales à venir.
Le second constat concerne le projet c'est à dire les propositions supposées venir de la "société civile organisée" et que celle-ci soumet à la décision des politiques. Comme on pouvait s'y attendre, il faut continuer les efforts en faveur des entreprises, qu'il s'agisse de formation supérieure, désormais totalement phagocytée par la question de l'innovation (on propose de mettre les grands équipement de recherche à disposition des entreprises) ou de formation professionnelle, toute entière centrée sur l'employabilité ou encore de simplification administrative (lisez : assouplissement du code du travail). Tout pour l'entreprise, tout pour le marché : tel est le message.
Bien sûr il n'est pas question de service public ou de régulation du marché. Le chapitre "Une politique volontariste en matière économique" s'en tient au développement des ETI (entreprises de taille intermédiaire, allant de 250 à 5000 salariés) et à la transformation des PME en ETI. Et de citer le Fond Stratégique d'Investissement, les contrats de développement participatif, le Programme d'Investissement d'Avenir, l'aide à la réindustrialisation, les Primes d'Aménagement du Territoire.... Curieux volontarisme que celui qui consiste simplement à laisser faire le marché en lui donnant un coup de pouce de temps en temps, grâce à des fonds publics sans contreparties. Quant au lien social, il se réduit à la question de la lutte contre l'illettrisme. Rien sur les inégalités, rien sur la précarité, rien sur l'égalité entre hommes et femmes. La question environnementale, elle est, parait-il, transversale, ce qui permet de n'en parler nulle part.
Au final, un colloque où l'on n'aura appris qu'une chose : nos décideurs n'envisagent pas d'autre voie que celle suivie depuis des années, celle de l'austérité pour le plus grand nombre. Et le président Percheron de conclure en affirmant que "l'économie de l'offre, ça marche" ... à condition de faire la grande région.
"Tout ce qui est fait pour moi, sans moi, est fait contre moi", pouvait-on lire sur le tract CGT-FSU, distribué à l'entrée du colloque et qui citait Nelson Mandela. Il avait bien raison.
Vous trouverez ci-dessous le texte du tract CGT - FSU :
Adresse de la CGT et de la FSU aux forces vives de la société
Mesdames, messieurs,
Vous êtes invité-e par les CESER du Nord - Pas de Calais et de la Picardie à un colloque intitulé "Construire ensemble la nouvelle grande région - la société civile au coeur d'un grand projet".
Votre présence aujourd'hui est légitime en raison de votre expérience, de votre expertise et devos mandants.
Mais disons le clairement, cette invitation vient trop tardivement et l'objectif affiché du colloque est en totale contradiction avec la réalité.
Comment peut-on nous convier à construire ensemble alors que tout paraît déjà très ficelé. Les lois sont déjà votées, les réorganisations des services de l'Etat sont déjà bien avancées, etc. sans qu'aucune concertation digne de ce nom n'aît été engagée au préalable.
Pour nous, la démocratie ne peut pas et ne doit pas se limiter à un colloque aussi intéressant soit-il. Cette manière d'opérer s'apparente à un semblant de "consultation" visant à légitimer un grand projet qui concerne pourtant l'ensemble de la société, dans toute sa diversité.
Bien au contraire, la réforme territoriale aurait mérité, en amont, un large débat ouvert à toutes les composantes de la société.
C'est le moins que l'on puisse faire au sujet d'une réforme qui aura des impacts sur le quotidien de chacune et de chacun en matière d'emploi, de formation, de recherche, de logement, de transport, d'accès à la culture, aux services publics de proximité et de pratique de la citoyenneté.
L'histoire nous a appris qu'il fallait se méfier des projets élaborés sans l'apport des intéressés.
"Tout ce qui est fait pour moi, sans moi, est fait contre moi", affirmait Nelson Mandela. La réforme territoriale ne déroge pas à cette célèbre parole.
Elle cache, en réalité, un bouleversement de la République, dans ses fondements, telle qu'elle a été façonnée par l'intervention consciente des citoyennes et des citoyens.
Elle dégrade l'égalité, la solidarité et la fraternité, sculptées sur le fronton de nos mairies.
Cette réforme s'inscrit dans une conception de la construction européenne basée sur la concurrence des territoires qui a pourtant déjà fait ses preuves en termes de dégâts sociaux, économiques, culturels, environnementaux et démocratiques.
Les régions auront un pouvoir réglementaire en lieu et place de l'état. Cette disposition supprimera le principe d'égalité entre tous et fragilisera la cohérence nationale.
Le transfert et la concentration, sur un espace géographique restreint aux métropoles (Lille) des compétences, des ressources et des pouvoirs ne visent qu'à mettre à la disposition des grands groupes financiers et industriels les moyens d'augmenter encore plus leurs dividendes.
Il est facile d'imaginer ce que serait la vie en dehors des métropoles. Un vide, un désert où les conditions d'une vie épanouissante seraient absentes pour les populations qui n'auraient pas les moyens d'habiter dans ces méga villes. Ce n'est pas un aménagement du territoire, c'est un véritable tsunami territorial qui est en cours avec, entre autre, la baisse drastique des dotations de l'Etat aux collectivités.
L'effacement progressif et programmé des communes et des départements va éloigner les populations des lieux de débats, d'élaboration des politiques publiques de proximité, des espaces de décisions et accélérer un déficit démocratique très inquiétant.
On le constate, les besoins des salariés, des retraités et des privés d'emplois ont été ignorés.
Pour nous, il y a pourtant urgence à redonner de la vie à nos territoires à partir de la diversité de leur richesse humaine...
Comme nous, vous entendez régulièrement vos mandants s'exprimer sur leurs aspirations à travailler et à vivre dignement dans leur territoire.
Ils veulent :
- de l'emploi stable et durable,
- des services publics de qualité et de proximité,
- un développement industriel soucieux de l'environnement,
- une fiscalité plus juste et plus efficace.
C'est à partir de ces expressions qu'il nous faut travailler.
C'est la raison pour laquelle une nouvelle démocratie doit être imaginée et mise en oeuvre.
Une démocratie qui marie la proximité et la cohérence nationale.
Une démocratie qui se déploie dans tous les champs de la vie comme l'entreprise et les services publics.
Une démocratie qui permette à chacun-e de construire la société de demain à partir des exigences exprimées par ceux que vous et nous représentons.
Nous nous adresserons dans ce sens, dans les semaines et les mois à venir, aux salariés, aux retraités et aux privés d'emplois afin qu'ils puissent posséder les éléments d'analyse, nos propositions, et agir ensemble dans l'intérêt général.
En espérant avoir suscité votre intérêt, recevez nos sincères salutations.
Le mercredi 1er juillet 2015.