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La FSU...

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"La FSU fait sienne la conviction que notre époque est celle d’une prise de conscience par les peuples de l’unité de leur destin. Nombre de biens et de services sont appelés à entrer dans le patrimoine commun de l’humanité, ce qui appelle une large appropriation sociale et la mise en oeuvre de services publics à tous niveaux." (Congrès de Lille, 2010).

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1 septembre 2015 2 01 /09 /septembre /2015 23:08

Plénière du CESER de Picardie ce 1er septembre. L'illettrisme était à l'ordre du jour et le constat de l'assemblée était accablant pour la politique du Conseil Régional, qui a simplement renoncé à lutter efficacement contre ce fléau, sous prétexte que c'était une compétence de l'Etat.  Résultat : non seulement l'illettrisme n'a pas reculé, mais il s'est vraisemblablement accentué parmi les jeunes, comme l'indiquent à la fois l'enquête IVQ (Information et Vie Quotidienne) de l'INSEE et l'évaluation exhaustive -elle touche tous les jeunes de 17 ans- effectuée lors des JDC (Journées de Défense et Citoyenneté). La Picardie est clairement la région de métropole la plus touchée, le phénomène frappant tout particulièrement les jeunes hommes et les jeunes de faible niveau scolaire.

 

Face à cette situation, le rapport-avis du CESER fait des préconisations, dont beaucoup sont intéressantes, mais laissent presque complètement de côté l'Education Nationale. Or on ne réduira pas le "stock" d'illettrés picard, si l'on n'en tarit pas la source, et celle-ci se trouve bien à l'école. L'école d'aujourd'hui avec ses dysfonctionnements, ses baisses de moyens, ses déterminismes que l'on ne parvient pas à réduire et son ascenseur social qui ne fonctionne plus.  Ne pas intégrer sérieusement l'école dans la politique volontariste qu'il s'agit de conduire est la meilleure façon d'aboutir à un échec. Or les préconisations du CESER portent beaucoup plus -même s'il affirme le contraire- sur l'action correctrice que sur la prévention, et pour la FSU c'est une erreur de perspective.

 

Dans ces conditions la FSU s'est abstenue sur un rapport-avis dont elle partage les objectifs, mais sans doute pas complètement les moyens.

 

A noter la réaction de la partie patronale à l'idée d'un plan de rattrapage pour l'éducation en Picardie : "ce n'est pas une question de moyens... certains pays font mieux avec moins". Il faudra s'en souvenir quand les mêmes viendront nous demander des aides publiques pour les entreprises. 

 

Ci-dessous la déclaration faite par le représentant de la FSU : 

 

Mesdames, messieurs,

Chers collègues,

 

J'avoue être aujourd'hui animé de sentiments contradictoires, face à un rapport-avis, qui pourtant devrait faire consensus tant le retard picard en matière de lutte contre l'illettrisme tient de l'évidence, un rapport-avis dont par ailleurs je partage beaucoup d'aspects, à la fois comme syndicaliste et aussi comme enseignant.

 

Je partage d'abord l'idée que cette lutte est urgente et indispensable et pas seulement pour des raisons d'attractivité ou de compétitivité économique, mais par rapport au type même de société que nous sommes amenés à construire et qui ne peut être fondé sur tout ce que l'illettrisme induit : l'inégalité, l'absence d'intégration... un citoyen illettré ne peut pas être un citoyen comme un autre.

 

Je partage aussi l'idée que cette lutte suppose une politique volontariste, cohérente et de longue durée, ce qui a manqué jusque-là en Picardie, et qu'il s'agit là non pas d'une dépense stérile mais d'un investissement pour l'avenir.

 

Je partage enfin l'idée que pour être efficace une telle politique doit marcher sur deux pieds et suppose donc à la fois une action correctrice et une action préventive.

 

Tout cela figure bien dans un rapport-avis qui pour une fois ne se contente pas de parler de gouvernance -cette forme contemporaine du "y'a qu'à"- et n'élude pas les nombreux obstacles qui tiennent aux réticences des acteurs eux-mêmes.

 

Pour ce qui concerne l'action correctrice, même si j'ai quelques regrets et quelques questions, le rapport-avis me semble aller plutôt dans la bonne direction. La sensibilisation de tous à la question de l'illettrisme s'impose d'elle même et la FSU soutient bien sûr l'idée de faire bénéficier les jeunes en situation d'illettrisme et qui sont sortis du système scolaire d'une formation rémunérée, de manière à créer les conditions de la réussitte. La priorité donnée aux jeunes demandeurs d'emploi et aux salariés découle des chiffres. Quant à la nécessité de l'évaluation, vous connaissez ma position depuis toujours.

 

Je voudrais néanmoins soulever une question peu abordée jusqu'à présent. Elle concerne le lien nouveau -et qui dans le rapport-avis est présenté comme une avancée- entre la lutte contre l'illettrisme et la formation professionnelle. Les deux démarches semblent en effet bien différentes et, dans le contexte incertain qui est le nôtre, réintégrer la question de l'illettrisme dans le rapport salarial et rajouter les incertitudes propres à l'évolution professionnelle aux réticences liées à la situation d'illettrisme elle-même risque d'être plus un obstacle supplémentaire qu'un élément facilitateur. Il faudrait rassurer, mettre des garde-fous, donner des garanties et vu le rapport de forces tel qu'il est aujourd'hui entre le capital et le travail on ne voit pas très bien qui pourrait les donner, et surtout pas les OPCA beaucoup trop proches des milieux patronaux. Mais sans doute reviendrons-nous sur cette question, qui peut difficilement rester sans réponse, lors de la discussion à venir sur la formation professionnelle.

 

En réalité mon vrai désaccord porte sur l'action préventive. L'image de l'école comme rempart contre l'illettrisme, où celui-ci est exclusivement vu comme un danger extérieur, est fallacieuse. L'illettrisme qu'il faut prévenir c'est celui d'aujourd'hui, et c'est un produit de l'école, du fonctionnement de l'école de 2015, avec ses baisses de moyens, ses déterminismes forts et son ascenseur social en panne. En ce sens il est bien différent de l'illettrisme d'hier, celui des générations anciennes, qui était un illettrisme par défaut, suite à une éviction trop précoce du système scolaire.

 

Or si l'illettrisme est aussi un produit de l'école, sa prévention doit d'abord se faire à l'école. Mais curieusement l'action préventive du rapport-avis est tout sauf préventive. En effet, qu'y a-t-il de préventif dans les écoles de la deuxième chance, dont le titre même indique que l'épisode de la première chance se termine par un échec? Qu'y-a-t-il de préventif dans les multiples actions périscolaires, sans doute soigneusement articulées avec les projets de territoire mais totalement déconnectées de ce qui se passe dans la classe et des difficultés réelles du jeune? Et que sont les EPIDE, si ce n'est l'école à côté de l'école et après l'école, avec un public choisi -puisque volontaire- et bien davantage de moyens. Et cela n'enlève rien à l'excellence du travail accompli.

 

Mesdames et messieurs, 

 

on ne récolte pas sans semer et ce n'est pas par hasard si Jaurès -qui vient d'être cité- s'adressait aux instituteurs. Nous ne pouvons pas nous contenter de glaner ça et là quelques épis malencontreusement tombés à terre, sans tenir compte ni des semailles ni de la moisson.

 

La lutte contre l'illettrisme se gagne à l'école et la surreprésentation des personnes de faible niveau scolaire et des garçons parmi les "illettrés" montre bien le lien fort qui existe entre l'illettrisme et l'école. Cette lutte ne peut se mener en dehors ou à côté d'une politique globale contre l'échec scolaire en général et le retard éducatif de la Picardie en particulier, surtout quand l'objectif est bien -et je cite à la fois le président Camine et d'autres intervenants- l'éradication de l'illettrisme.

 

Certes le Ministère de l'Education Nationale nous rassure et affirme que le retard picard se résorbe progressivement. Mais ceux qui connaissent les choses de l'intérieur savent ce qu'il en est, tant les injonctions faites aux enseignants pour peser sur les notations sont devenues habituelles et impératives. Les notes s'améliorent, mais pas forcément les savoirs, comme PISA vient nous le rappeler de temps en temps.

 

Face à ce retard qui persiste donc et dont l'illettrisme n'est que la manifestation la plus fâcheuse, j'avais propose en commission que le CESER insiste sur la nécessité d'un programme de rattrapage pour la Picardie, avec une dotation exceptionnelle traduisant une véritable volonté politique. Ce serait une belle manière de prolonger le succès que constitue le maintien d'un Rectorat à Amiens -succès auquel, je le dis en passant, la FSU a largement contribué- et de créer enfin cette synergie, qui a tant fait défaut dans la période récente, entre l'effort de la Région et celui de l'Etat. Ce serait aussi créer les conditions pour une vraie priorité donnée à l'école primaire -priorité que le CESER soutient- et cela sans mettre un peu plus en péril l'enseignement secondaire. Ce serait enfin un signal fort aux populations picardes pour dire que cette Grande Région -qui est loin de faire l'unanimité, vous le savez-bien- entend être au service de tous les habitants et de tous les territoires, en particulier ceux qui sont le plus en difficulté.

 

J'avais insisté dans le même temps sur la nécessité de renforcer l'éducation prioritaire, seul dispositif véritablement préventif, puisqu'il s'agit d'agir en amont, là où l'on sait que les difficultés vont apparaître, et qui a été mise à mal par les politiques successives de réduction de moyens avant d'être totalement vidée de son sens et consacrée à la lutte contre la violence, ce qui n'est tout de même pas la même chose. Il faudrait aujourd'hui -et c'est la position de la FSU- en revoir le périmètre, en fonction des besoins réels des élèves et au minimum lui redonner les moyens qu'elle a perdus.

 

Et puis sans doute faudrait-il aussi revenir sur cette soi-disant politique d'orientation tout au long de la vie qui déstructure au quotidien l'orientation scolaire, qui n'avait pas besoin de cela.

 

Aucune de ces propositions n'a été reprise. Allez-savoir pourquoi, car elles s'inscrivaient dans le droit fil d'un voeu ancien de notre CESER.

 

On va bien sûr me dire qu'il y a les prérogatives de nos commissions, et au-delà les compétences respectives de l'Etat et de la Région. Mais le cloisonnement institutionnel doit-il conduire à celui de la pensée? Je ne le crois pas.

 

En réalité le CESER-Picardie n'a tout simplement pas de pensée sur l'école, pas de vision de ce que pourrait-être une politique scolaire qui marche ou une pédagogie efficace, et c'est de cette absence que pâtit véritablement le rapport présenté aujourd'hui.

 

Il est pourtant clair que face au retard éducatif picard -et demain picardo-nordiste, car c'est loin d'être terminé- nous ne ferons rien de durable sans un système éducatif public qui fonctionne et ne se contente pas de multiplier à l'infini les béquilles périscolaires. Et cela passe inévitablement par le retour aux questions essentielles. Que faut-il enseigner aujourd'hui? Quels sont les savoirs nécessaires à l'honnête homme du 21ème siècle? Comment faut-il les enseigner? Les questions de gouvernance viennent après. Bien après.

 

Voilà ce que j'aurais souhaité retrouver ou au moins voir évoqué dans notre rapport. Car on ne gagnera pas la bataille contre l'illettrisme si on n'en tarit pas la source. De ce fait mon abstention lors du vote de toute à l'heure ne sera pas une manifestation d'hostilité vis-à-vis d'un texte dans lequel la FSU se retrouve en partie, mais la mise en lumière de ses limites, en espérant que le futur CESER de la Grande Région saura aller plus loin.

 

Pour finir un mot de remerciement. Pour une fois -et c'est une première- les contributions des uns et des autres -et parmi elles il y a celle de la FSU- ont été annexées au projet de rapport, et chacun a pu en prendre connaissance. Cela a au moins -au-delà de la plénière d'aujourd'hui- le mérite d'ouvrir la voie au débat, dans un CESER qui a souvent tendance à escamoter les pensées discordantes. Merci donc au président de la commission 5. Et merci à tous de m'avoir écouté jusqu'au bout.

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