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"La FSU fait sienne la conviction que notre époque est celle d’une prise de conscience par les peuples de l’unité de leur destin. Nombre de biens et de services sont appelés à entrer dans le patrimoine commun de l’humanité, ce qui appelle une large appropriation sociale et la mise en oeuvre de services publics à tous niveaux." (Congrès de Lille, 2010).

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25 novembre 2015 3 25 /11 /novembre /2015 15:59

Des quatre avis présentés, ce fut sans doute celui qui asséna le plus de certitudes contestables. Il était manifeste que le rapporteur n'avait pas de doutes et concevait difficilement que d'autres puissent en avoir. Schumpeter fut cité, en oubliant qu'il était favorable, non pas aux PME, mais au marché de monopole. Toujours est-il que l'innovation allait avoir raison de la crise, à condition toutefois que toute la société se mobilise à cette fin. D'où "l'impérieuse nécessité" de partenariats entre monde universitaire et les PME et la diffusion d'une culture de l'innovation (attention : cela commence dès l'école primaire). Il fallait aussi favoriser l'accompagnement des PME et multiplier les dispositifs de soutien (sur fonds publics évidemment). Mais le sommet fut atteint peu après, avec l'intervention de René Anger, Conseiller spécial du Président Gewerc, qui parvint à citer pêle-mêle -et visiblement sans en tirer le moindre enseignement- Keynes, Marx, Schumpeter et ... Attali. Ce dernier fut sans doute le seul à ne pas se retourner dans sa tombe, pour la simple raison qu'il est toujours vivant. Visiblement, ni le rapporteur ni le conseiller spécial ne se rendaient compte que tout en multipliant les références à ce qui était nouveau, ils proposaient des solutions éculées, qui étaient justement celles du monde ancien en train de disparaître. Pour toutes ces raisons et quelques autres la FSU a voté contre le projet d'avis.

 

La déclaration commune CGT-FSU : 

 

Mesdames et messieurs, chers collègues,

 

Développer les capacités de production et d'innovation collectives en créant les conditions d'une diffusion la plus large possible des connaissances, tout en garantissant aux citoyens une véritable information sur les enjeux et les choix, est une condition indispensable pour affronter les défis multiples qui sont devant nous. C'est à ce titre une préoccupation majeure pour la CGT et la FSU et c'est parce que c'est une préoccupation majeure que nous ne nous retrouvons pas dans le projet d'avis, comme vont le montrer les quelques remarques à venir.

 

Première remarque. Un constat simple s'impose à nous : jamais le progrès technique n'a été aussi fort et jamais la croissance n'a été aussi faible.

 

L’accélération de l’innovation ne se reflète pas automatiquement dans l’évolution de la croissance et de la productivité et encore moins dans celle de l'emploi, puisque la désindustrialisation se poursuit et s'accentue. Et le "paradoxe de Solow", que l'on peut formuler ainsi : "l'informatique est partout, sauf dans les statistiques de productivité", montre que cela vaut aussi pour le numérique.

 

Or ce sont bien ces questions là -celles de l'emploi et du progrès social pour tous- qu'il s'agit de faire avancer et non pas celle du progrès de telle entreprise au détriment de telle autre. La question est donc fondamentalement macroéconomique; or notre projet d'avis est presque entièrement centré sur des remèdes microéconomiques et qui plus est des remèdes que l'on administre déjà – cf. les cadeaux fiscaux que sont le CICE, le CIR, le Pacte de responsabilité- et qui se révèlent inopérants. Le CIR est ainsi passé de quelques centaines de millions à plus de 5 milliards sans que cette hausse ne se traduise par une augmentation conséquente de l’effort de recherche de la sphère privée.

 

Seconde remarque : les études empiriques -par exemple celle toute récente de Bruno Amable et Ivan Ledesma- remettent en cause la conception d’un système d’innovation, qui serait entièrement fondé sur des firmes privées. Dans les sociétés industrielles modernes, l’État joue un rôle spécifique, prenant des risques que les firmes privées sont incapables de prendre, notamment sur le long terme, et effectuant des recherches véritablement novatrices, susceptibles de conduire à des économies externes positives. C'est pourquoi la recherche publique ne peut se substituer à la recherche privée, ni prendre le risque d’être asservie par un secteur privé structurellement déficient en la matière.

 

Cette remarque est évidemment importante dans une région qui déplore la faiblesse de sa recherche publique, puisque de ce point de vue la Picardie est à la vingtième position parmi les régions françaises.

 

Troisième remarque : dans ces conditions, le financement public sur projet de l’entreprise peut être un instrument utile, à condition d'en garantir une réelle efficacité. Car les multiples dispositifs mis en place au cours de la dernière décennie ont surtout constitué des effets d’aubaine ayant permis aux entreprises de se décharger de tout effort durable de recherche sur les organismes publics. C'est pourquoi la contrepartie minimale associée à l’obtention de fonds publics pour développer une activité durable de recherche doit être une évaluation régulière du type de celle qui prévaut pour la recherche publique.

 

Quatrième remarque : la contribution de la recherche publique à l'essor de la société ne doit pas remettre en cause son indépendance et sa rigueur. Pour jouer pleinement son rôle, elle doit être libre du lobbying entrepreneurial, qui voudrait en orienter les résultats, d'autant que cette recherche ne se réduit pas à la recherche technologique : des pans entiers de la recherche publique poursuivent des finalités de connaissance, de formation, d'information, d'examen des évolutions sociales et culturelles indispensables à la société. Les moyens correspondants ne doivent pas être détournés de ces finalités. De ce point de vue aussi, on est assez loin des préconisations de notre projet d'avis.

 

La cinquièmeme remarque concerne les déterminants de l'innovation. Les variables qui apparaissent comme les plus significatives sont par ordre décroissant le secteur d'activité, la part des ingénieurs et cadres techniques, la taille selon l’effectif, le taux d’investissement et le taux d’exportation. La rentabilité économique n’est significative qu’à un seuil légèrement supérieur à 5 %. La taille selon le chiffre d’affaires et l’appartenance à un groupe apparaissent encore moins significatives.

 

Nous souhaitons insister particulièrement sur la part des ingénieurs et cadre techniques : disposer en interne de certains types de compétences semble favoriser davantage l’innovation que de les mobiliser via des sources extérieures. C'est pourquoi il faut maintenir et développer dans les entreprises une expertise technique et scientifique et pas seulement managériale. Et parce que l'innovation est d'abord une affaire interne, le développement de la recherche privée passera aussi par une mobilisation des instances représentatives dont disposent les salariés du privé, à commencer par les comités d'entreprise.

 

La sixième remarque concerne la dimension locale, qui est loin d'être prépondérante. Ainsi une étude portant sur des PME de la région Poitou-Charente constate que le poids du local dans les stratégies d’innovation des entreprises reste faible. Les PME innovantes s’appuient sur des réseaux de relations largement extraterritoriaux, à dimension plutôt nationale, voire internationale et il en va de même pour les coopérations technologisues, qu'elles soient réalisées avec des clients, des fournisseurs, des concurrents ou des institutions techniques ou scientifiques. Améliorer la synergie en région n'est donc pas forcément la réponse la plus adaptée.

 

 Pour nos deux organisations, le service public de l’enseignement supérieur et de la recherche ne doit pas être au service de la compétition exacerbée entre les territoires (compétition qui va s'accentuer avec la réforme territoriale), mais doit au contraire être l’un des éléments moteurs de leur développement social et sociétal. 

 

C'est pourquoi il faut à notre pays une politique industrielle, organisée autour de programmes porteurs intégrant les problématiques du développement durable. Le succès des grands programmes français dans l'aéronautique ou le spatial s'explique par la lucidité de la puissance publique sur les enjeux à venir qui a nourri l'ampleur, la continuité et la qualité de l'effort. Ni la mondialisation ni l'essoufflement de notre modèle économique ne sauraient nous dispenser de renouveler cet effort aujourd'hui.

 

Tout cela nous donne une image assez différente de celle de notre projet d'avis qui vise à réparer les défaillances du projet politique avec des rustines et cet aveuglement fait penser à l'histoire de cette personne qui cherche ses clés sous un lampadaire non pas parce qu'elle les a perdues là, mais parce que c'est le seul endroit éclairé de la rue.

 

Les représentants CGT et FSU ne voteront pas le projet d'avis.

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